L'Autonomie de la Provincie de Bolzano 

Intervento di Carlo Romeo al convegno «Questions régionales et citoyenneté européenne», organizzato  dal Parlament Wallon e dall’Université de Liège (Liège 29 e 30 maggio 2000).


Le rangement politique et juridique actuel de l’autonomie de la province de Bolzano/Bozen est le résultat d’un long parcours qui a eu des moments de tension,  au niveau local et au niveau national. La demande d’autodétermination de la population du Tyrol du Sud, le lendemain de la seconde guerre mondiale a été subordonnée à d’autres critères, comme les équilibres géopolitiques entre les Etats et, en suite, l’intégration croissante de l’Europe. L’Italie a garanti toutefois à la minorité sud tyrolienne des garanties particulières, linguistiques e culturelles, et une autonomie administrative et politique très avancée.
Dans ma communication j’essayerai de donner un cadre synthétique de la question sous trois perspectives: historique, juridico-politique, anthropologico-culturelle.

 

Aspects historiques

1918/19 – Annexion du Tyrol du Sud à l’Italie.
1923/24 – Début, sous le gouvernement fasciste, de la politique d’assimilation de la minorité allemande: la langue allemande est défendue dans l’administration, dans l’école, dans la toponymie. Le Gouvernement favorise l’immigration italienne, surtout dans le chef-lieu (grande zone industrielle de Bolzano).
1939 – Accord de Berlin entre l’Italie fasciste e l’Allemagne d’Hitler (les ainsi dites « options») qui prévoit le choix pour les allemands e les ladins d’assumer la nationalité germanique et se transférer dans le Reich.

Résultat des options dans la province actuelle de Bolzano

Options
Aire linguistique
Ensamble
Allemande
ladine
Pour l’Allemagne
205.542 (88%)
6.257 (53 %)
211.799 (86 %)
Pour l’Italie
29.023 (12 %)
5.214 (45 %)
34.237 (14 %)
Total
234.565
11.471
246.036

1943-45 La province de Bolzano avec celle de Trento et de Belluno font partie de la zone opérationnelle des Préalpes et est administrée directement par le Gauleiter du Tyrol (Innsbruck). Il s’agit de facto d’une annexion au Grand Reich.
1946 – Accord de Paris (l’ainsi dit accord De Gasperi- Gruber), signé entre l’Italie et l’Autriche, joint au traité de paix conclu entre les alliées et l’Italie. L’Italie garantit:

  • Une autonomie législative;
  • L’égalisation des langues italienne et allemande dans l’administration et dans la toponymie;
  • La révision de l’accord de 1939 (possibilité de reoption  pour la citoyenneté italienne).

1948 – Premier Statut d’Autonomie pour la Région Trentin – Haut Adige.
1956 – Le gouvernement autrichien dénonce la non-application de l’accord de Paris
1957 – Crise politique de la Région Trentin – Haut Adige. La Sudtiroler Volkspartei (SVP), le parti de rassemblement ethnique des sud tyroliens, demande une autonomie provinciale pour Bolzano, séparée de Trento.
1960/61 – La question du Haut-Adige est discutée au sein de l’ONU. L’Italie et l’Autriche sont invités à trouver un accord.
1961 –Début de la phase plus violente du terrorisme sud tyrolien.
1960-69 Des Commissions paritaires italo-autrichiennes-sud tyroliennes travaillent à des projets d’autonomie.
1972 – Second statut d’autonomie: la Région Trentin – Haut Adige et l’Etat italien délèguent de nombreuses compétences à la Province de Bolzano.
1992 – L’Autriche déclare close la controverse entre l’Italie sur le Haut Adige.
1993 – Commencent au niveau local les projets pour une Eurorégion du Tyrol (Région transfrontalière entre Tyrol du Nord, Tyrol du Sud, Trentin).

 

Aspects juridico-politiques

L’autonomie de la province de Bolzano/Bozen s’exprime à travers ses organes législatifs et exécutifs (Conseil et Gouvernement provincial) qui gèrent les compétences, exclusives ou déléguées, en presque tous les secteurs: personnel, toponymie (l’obligation du bilinguisme restant inaltérée), conservation du patrimoine historique artistique et populaire, institutions culturelles, urbanisme,  sauvegarde du paysage, artisanat, construction publique, foires et marchés, viabilité, communications et transports, services publics, santé, tourisme, agriculture et forets, école et formation professionnelle, commerce, etc.
Parmi les compétences restées à l’Etat il y a: l’armée, la sûreté publique, justice, chemins de fer, politique extérieure.
La Région Trentin-Haut Adige a désormais seulement quelques compétences marginales et les propositions de l’abolir complètement (surtout de la part de la SVP) se font de plus en plus fortes.
Les groupes italien et allemand ont un assessorat à la culture et à l’éducation. Le groupe ladin en Haut-Adige a également ses propres institutions culturelles.
L’accès à l’emploi public est réglé par un critère proportionnel, qui divise les places disponibles selon les trois groupes linguistiques. Tous les dix ans on fait à ce but un recensement linguistique.

Les ressources financières de la province sont importantes (bilan annuel 1999 de 3,6 milliards de Euros) et garantissent des standards élevés de bien-être. Le taux de chômage est le plus bas d’Italie. L’économie est forte dans différents secteurs (surtout le tourisme, les petites entreprises et l’artisanat). L’agriculture traditionnelle de haute montagne est subventionnée mais elle connaît une crise croissante. L’économie a au total de bonnes perspectives de développement, mais selon certains économistes l’ingérence de la Province autour de laquelle gravitent toujours plus aussi des initiatives privées, doit se réduire. À l’avenir se présentera la nécessité de concilier les particularités (ou les privilèges ?) de l’autonomie du Bolzano avec les directives économiques de Bruxelles.

Du point de vue politique, on signale la dominance du parti de rassemblement sud tyrolien (SVP) qui possède la majorité absolue en province. La SVP semble avoir réussi jusqu’à présent à gérer à son intérieur la dialectique entre les différentes forces sociales qu’elle représente (paysans, travailleurs dépendants, entrepreneurs, etc.) et à maintenir le «collant» ethnique. L’hégémonie de la SVP a été et est jusqu’à aujourd’hui cause d’un deficit de dialectique démocratique à l’intérieur du group sudtyrolien, et cause de la défiance du group italien envers ultérieurs développements de l’autonomie provinciale.

Le pilier de l’autonomie du Haut Adige est le principe de coparticipation des groupes linguistiques dans les domaines décisionnels les plus importants. Le système de garanties ethniques aux groupes linguistiques (parmi elles le bilinguisme) mise une «vie en commun réglée» entre les groupes linguistiques, à l’intérieur de laquelle il devrait se développer la libre dialectique personnelle et démocratique au-delà du «front ethnique». Ceci est exigé de la part de une réalité bilingue de plus en plus ample, que ne se reconnaître pas dans un systeme tellemente rigide.

 

Aspects anthropologiques

Grâce à sa position et à ses caractéristiques géographiques, le territoire situé entre les deux vallées de l’Adige et de l’Inn marque depuis le Moyen Age la transition entre le monde italien et le monde allemand.
Les luttes entre les différentes nationalités à l’intérieur du Tyrol historique commencèrent vers le XIXe siècle. Les “Trentini” revendiquèrent d’abord une plus grande indépendance de Innsbruck puis l’annexion à l’Italie (irrédentisme). A la même époque les Tyroliens de langue allemande développèrent leur identité de “sentinelles” des frontières méridionales de la civilisation allemande. Ce sentiment d’identité devint davantage plus profond pendant le fascisme qui fit plusieurs tentatives pour italianiser la région. Il fut dès lors prioritaire pour les Sudtyroliens de défendre leur territoire, leur langue et leur identité.
 

- Les noms

Les toponymes ont une fonction identitaire très forte. Même le nom “Tyrol du Sud”, utilisé officiellement depuis 1972 assume une connotation ethnique et s’oppose à “Haut-Adige”, attribué au territoire lors de l’annexion à l’Italie en 1918 (déjà sous Napoléon on parle du Département du Haut-Adige dans le Règne d’Italie, 1810-13). La toponymie italienne, introduite en 1923, est aujourd’hui mise en discussion par de nombreuses propositions de suppression partielle ou totale.

- Les “mythes” historiques

Andreas Hofer, le “Chouan du Tyrol” qui en 1809 fut à la tête de la révolte contre Napoléon, est le symbole du sentiment patriotique des “Schützen”. Ces troupes furent crées en 1511 pour la défense du territoire et elles sont encore de nos jours très actives au niveau parapolitique.
Le mythe du Comte Mainardo II du Tyrol est encore plus ancien et remonte au XIIIe siècle. Le comte conquit et unifia tout le territoire grâce à sa politique adroite et il lui attribua le nom de son château de famille près de Meran.

- La religion

Même la religion catholique (Heiliges Land Tyrol) a contribué à renforcer le sentiment d’identité. La dévotion au Sacré-Coeur est un mélange de valeurs politiques et religieuses qui date de 1796 lors du pacte entre le Tyrol et le Sacré-Coeur de Jésus pour se défendre des «diables» de Napoléon.

- Le paysan libre

Le “Bauer”, paysan libre, propriétaire de sa propre terre est certainement représentatif de l’identité tyrolienne. La classe des paysans est reconnue politiquement, depuis le Haut Moyen Age, et elle incarne les valeurs qu’il faut conserver et protéger (fidélité, tradition, terre, montagne) et qui s’opposent aux valeurs qu’il faut refuser (changement, mobilité, ville, industrialisation).

- L’identité du groupe italien

Les gens de langue italienne, immigrés des autres régions au début du siècle, différentes par leur provenance régionale, leur statut social et leur idéologie, vivent surtout dans le chef-lieu (Bolzano), travaillent dans le secteur public et industriel. Leur identité a subi de profonds changements et revirements à la suite du secund statut d’autonomie (1972): le groupe italien est majoritaire dans le contexte de l’Etat et de la Région Trentino Alto-Adige, il est minoritaire dans le contexte de la Provincia Autonoma di Bolzano. Ceci a provoqué une progressive tendance a cohésion du group (politiquement et culturellement).

 

Le micro-modèle de l’Autonomie du Haut-Adige

Il arrive souvent que l’on propose ce modèle comme solution aux problèmes des territoires où des conflits ethniques ont lieu (par exemple pour le Kosovo/a). Quoique les causes anthropologiques des conflits ethniques se ressemblent, la réalisation d’un modèle de gouvernement dépend naturellement surtout du contexte géo-politique environnant. Néanmoins la façon dont on a abordé la question du Tyrol du Sud à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dans un esprit désormais européen, peut être considérée, malgré toutes les difficultés et les contradictions, comme un témoignage utile et une orientation idéale: dans un contexte de collaboration internationale c’est possible encourager la libre evolution des identités régionales (dans tous ses composants) en èvitant en même temps le danger d’uniformité “ethnique” du territoire.

 

Appendice I. Le groupes linguistiques de la population (en milliers et %)

Année
Total
Allemand
Italien
Ladin
Autre
1880
205
90,6 %
3,4 %
4,3 %
1,7 %
1890
210
89,0 %
4,5 %
4,3 %
2,2 %
1900
222
88,8 %
4,0 %
4,0 %
3,2 %
1910
251
89,0 %
2,9 %
3,8 %
4,3 %
1921
254
75,9 %
10,6 %
3,9 %
9,6 %
1961
373
62,2 %
34,3 %
3,4 %
0,1 %
1971
414
62,9 %
33,3 %
3,7 %
0,1 %
1981
430
64,9 %
28,7 %
4,1 %
2,3 %
1991
440
65,3 %
26,5 %
4,2 %
4,0 %
 (Istituto Provinciale di Statistica, Bolzano)


 

 

Appendice II.  Accord De Gasperi – Gruber (Paris, 5 Septembre 1946)


1°) – Les habitants de langue allemande de la Province de Bolzano et ceux des communes voisines bilingues de la Province de Trento seront assurés d’une complète égalité de droits par rapport aux habitants de langue italienne dans le cadre des dispositions spéciales destinées à sauvegarder le caractère ethnique et le développement culturel et économique du groupe de langue allemande.
En conformité avec les dispositions législatives déjà en viguer ou sur le point de l’être il sera spécialement accordé aux citoyens de langue allemande:
a)l’enseignement primaire et secondaire dans leur langue maternelle;
b) la parité des langues italienne et allemande dans les bureaux publics et les documents officiels ainsi que dans la dénomination topographique bilingue;
c)     le droit de rétablir les noms de famille allemands qui ont ètè italianisés au cours des dernières années;
d)l’égalité des droits en ce qui concerne l’admission dans les administrations publiques dans la perspective d’atteindre une proportion plus adéquate de l’emploi entre les deux groupes ethniques.

2°) – Le gouvernement italien, dans le but d’établir des relations de bon voisinage entre l’Autriche et l’Italie, s’emploiera, en consultation avec le gouvernement autrichien, et dans le délai d’un an à partir de la signature du présent traité:
a)à réviser dans un esprit d’équité et de large compréhension la question des options de citoyenneté consécutives aux accords Hitler-Mussolini de 1939;
b)à trouver un accord pour la reconnaissance mutuelle de la validité de certains titres d’études et diplômes universitaires;
c)à établir une convention pour la libre circulation des personnes et des biens entre le Nord-Tyrol et le Tyrol oriental à la fois par voie ferrée et dans la mesure la plus large possible par route;
d)à conclure des accords spéciaux destinés à faciliter l’extension du trafic frontalier et de marchandise caractéristiques entre l’Autriche et l’Italie.

 

Petite bibliographie


AGOSTINI Piero, La convivenza rinviata, Bolzano 1985. - CORSINI Umberto/LILL Rudolf, Alto Adige 1918-1946, Bolzano 1988. - HOLZER Anton, Die Südtiroler Volkspartei, Thaur 1991.- GATTERER Claus, Im Kampf gegen Rom: Bürger, Minderheiten und Autonomie in Italien, Wien-Frankfurt-Zürich 1968. – GATTERER  Claus, Erbfeindschaft Italien-Österreich, Wien 1972. - LANGER Alexander, Aufsätze zu Südtirol/Scritti sul Sudtirolo, Merano (I-Bz) 1996. - LUVERA’ Bruno, Oltre il confine: Euregio e conflitto etnico tra regionalismo europeo e nuovi nazionalismi in Trentino-Alto Adige, Bologna 1996. - MAISLINGER Andreas/ PELINKA Anton (par), Handbuch zur neueren Geschichte Tirols, 2 Bd., Innsbruck 1993. - ROMEO Carlo, I fuochi del Sacro Cuore nella storia del Tirolo tra politica e religione, Bolzano, 1996. - STEININGER Rolf, Südtirol zwischen Diplomatie und Terror, 3 Bd., Bozen 1999. - STEURER Leopold, Südtirol zwischen Rom und Berlin, Wien 1980. - TIROLER GESCHICHTSVEREIN (par), Option Heimat opzioni, Bolzano, 1989.

Carlo Romeo est président du “Gruppo Ricerca Storia Regionale/Arbeitsgruppe Regionalgeschichte”  (Bolzano/Bozen, Italy).